L'incal


L'incal

Scénario :   odorowsky
Dessin : Moebius
Genre : Science-fiction
Année : de 1981 à 1988
Edition :      Les Humanoïdes Associés
Nombre de tomes : 6
Statut : Série terminée
Public : Tout public


L'incal tome 1 L'incal tome 2 L'incal tome 3
L'incal tome 4 L'incal tome 5 L'incal tome 6

L'histoire
Dans un futur éloigné, le minable détective privé de classe R, John Difool, reçoit l'Incal Lumière, une pyramide blanche aux pouvoirs extraordinaires, des mains d'un Berg (extra-terrestre venu d'une autre galaxie) mourant. L'Incal est recherché par de nombreuses factions qui veulent l'utiliser pour leur intérêt propre : les Techno-Technos (une secte de scientifiques), le Préz et ses bossus, l'Impéroratriz et les Bergs... En s'échappant, Difool se retrouve entraîné malgré lui dans une aventure qui le dépasse totalement et qui le transformera en sauveur de deux galaxies.

L'incal extrait 01

Mon avis
Voici l’un des monuments de la science-fiction des années 80 qui a ouvert la voie à de nombreux auteurs de BD férus de guerres intergalactiques et de space opéra. Tout d’abord parue sous la forme d’une vingtaine d’épisodes dans la superbe revue « Métal Hurlant » dès 1980, elle sera ensuite publiée en 6 tomes (chapitrés par les épisodes).

Certes, « L’Incal » partage beaucoup les opinions, les uns vénérant cette série, les autres la détestant. Ainsi, s’il est vrai que Alexandro Jodorowsky n’a pas besoin de psychotropes pour planer, il est facile de lui reprocher d’être vite perdu dans ses univers complètement barrés, aux mille lectures que même lui ne doit pas toutes comprendre. Faisant parfois fi de toute cohérence, Jodorowsky préfère la spontanéité créative au cadre raisonné d’une dramaturgie classique dont il laisse la responsabilité aux dessinateurs avec lesquels il travaille. Coup de chance, le dessin est ici confié au maitre Moebius qui va, à partir d’une histoire de science-fiction très sympa, faire naitre en un chef-d'oeuvre intemporel. On pourra reprocher à Jodorowsky de s’être largement inspiré des histoire de Dan O’Bannon, avec notamment les nouvelles du recueil « The long tomorrow » auxquelles Moebius a également participé. Cela est plus que possible, mais Jodorowsky insuffle un ton épique à son histoire, de l’humour et une action omniprésente qui permettent au lecteur (même si tout n’est pas toujours clair) de ne jamais s’ennuyer et de se laisser porter par une galerie de personnages pour le moins étonnants.

Il est compliqué de résumer le scénario de l’Incal tant il y a de rebondissements et d’espaces métaphoriques explorés par ces deux auteurs. Mais l’Incal, pourrait être défini comme une bi-entité (noire et blanche) énergétique dotée de raison qui permet à l’être humain un équilibrage permanent entre le bien, le mal et le vide. Cette entité, qui possède sa propre raison, se doit malheureusement d’être incarnée par des humains, et si elle tombe entre de mauvaises mains, peut détruire définitivement ces fragiles équilibres et toute l’humanité qui vont avec. Tout le monde pourrait facilement se mettre d’accord sur le fait que ces déséquilibres causeraient la perte de tous, mais l’Incal confère à ceux qui le possèdent (tout du moins sa partie noire ou blanche) des pouvoirs surpuissants. Et quels groupes désirant le pouvoir pourrait refuser les dons de l’Incal ? C’est à partir de ce postulat de départ que Jodorowsky raconte son histoire. L’espèce humaine (et toutes les espèces intelligentes) n’ont qu’un unique objectif : obtenir le pouvoir, le faire grandir et perdurer, qu’importe les sacrifices, les massacres et les risques encourus. Et c’est par cette soif de pouvoir irrassasiable que l’homme a survécu de ses prédateurs et qu’il est devenu le prédateur suprême, pour lui-même aussi. L’Incal pourrait l’empêcher de s’autodétruire, mais le souhaite-t-il véritablement ?

Dans cette série, beaucoup d’éléments allégoriques s’organisent autour de la dualité de l’esprit : l’Incal noir et l’Incal blanc, les siamois androgynes Imperoratriz (homme et femme), les tomes de la série racontés en dytiques, Animah (le côté femme de l’homme, qui s’amourache de Jhon Difool), etc. L’Incal, dans l’une de ses représentations de dualité à la forme d’une pyramide, pointe vers le haut. Cette représentation classique illustre l’organisation de la société dans laquelle évolue le héros John Difool (qui sera pour le coup le personnage qui possède le moins de dualité, constant dans sa bassesse de bout en bout, lâcheté, égoïsme, malgré son amour pour Animah). La société vit sur Terre 2014 (une reproduction de la Terre d’origine), dans ville de la Cité Puits où les plus riches demeurent à sa surface, et les plus pauvres dans les bas-fonds où stagnent d’immenses lacs ultras pollués d’acides dans lesquels il ne vaut mieux pas tomber. Le Prez (comprenez Président) a obtenu une sorte de mandat à vie, une vie qu’il rallonge en transférant son esprit de corps en corps jeunes et vigoureux. La population pourrait s’en émouvoir, mais tout le monde est en permanence connecté à une sorte de télé-réalité où l’on peut suivre les vies (bien mises en scène) des dirigeants, mais aussi des fugitifs qu’il est bon de voir dissous dans les lacs des bas-fonds. Le Prez maintient donc captif la population, ce qui permet aux vrais dirigeants, les Aristos (comme leur nom l’indique, ils représentent le pouvoir par l’argent) et les Techno-technos (une organisation spirituo-scientifique qui représente le pouvoir par l’église) de prospérer sans être trop inquiété. Ce petit monde possède cependant un ennemi comment, le/la Imperoratriz qui règne sur la galaxie et qu’il est très compliqué de corrompre. La découverte de l’Incal pourrait en arranger plus d’un pour se débarrasser des siamois. Mais c’est sans compter les Bergs, extraterrestres venus tout droit d’une autre galaxie mourante, qui ont malheureusement fait les mêmes choix politiques que les humains, et qui sont prêts à tout, même à reproduire nos et leurs erreurs, pour survivre.

Sans détour, Jodorowsky pointe du doigt le côté sale et malsain de la politique, ses dérives et, avec ironie, la bêtise permanente des peuples qui votent pour ceux qui les exploitent. Ainsi, notre scénariste métapsychotique va faire traverser à ses héros de nombreuses épreuves pour tenter de les guider vers la solution ultime qui pourrait sauver l’espère humaine et proposée par l’Incal : et s’il ne fallait pas simplement « endormir » tous les esprits ? Sans pensée, le monde irait peut-être mieux. Une autre piste proposée par l’Incal est le changement d’état. En effet, l’ensemble de l’histoire s’inscrit dans les concepts techniques de l’alchimie qui consistent à changer des matériaux dits vils (comme le plomb) en matériaux nobles (comme l’or justement). Ce changement d’état peut même prendre la forme d’un double état constant, comme il a été constaté dans les travaux autour des mathématiques quantiques, un double état qui permet de préserver l’équilibre de l’univers. L’Incal aurait peut-être ainsi touché juste ; l’équilibre est rétabli.

Graphiquement, Moebius fait du Moebius dans tout ce qui le rend grand. Des décors incroyables, des trognes magnifiques, un bestiaire de créatures hallucinant, des vaisseaux spatiaux immenses, des doubles pages qu’il faudrait encadrer et porté aux musées, un découpage dynamique, que demander de mieux ? Certes, 40 ans après, les couleurs pourraient paraître un poil pâlottes, les ordinateurs un peu dépassés. Mais finalement, ce sont ces détails qui donnent un ton intemporel à cette oeuvre parfois très steampunk où Moebius excelle encore et toujours dans l’art de la hachure.

De l’univers de l’Incal vont être déclinés de nombreux spins off, avec Jodorowsky aux commandes. Tout d’abord la brillante « Caste des Méta-Baron », qui peut se lire sans connaître l’Incal. Puis d’autres beaucoup moins réussis comme « Avant l’Incal », « Après l’Incal » (que Moebius abandonnera, ne s’entendant plus avec son collaborateur), « Les Technopères » ou encore « Megalex » qui ne méritent pas vraiment l’acquisition.

« L’Incal » est une série qu’il convient d’appréhender dans son ensemble. Certains moments pourront paraître abscons, il faudra même relire quelques passages pour tout saisir, les incohérences seront régulières, mais le charme fou de cette série, son ambition novatrice, son action soutenue omniprésente, son côté new age très rétro, son humour, ses fulgurances narratives, sans parler de ses graphismes géniaux, en font une série que tout fan de science-fiction se doit de découvrir.

2 commentaires:

  1. perso trouvé sa un peu viello sympa mais sans plus. préféré les méta barons bon blog continue

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  2. Une des meilleurs série de s-f que j'ai découvert plus jeune et que je relis de tant à autre. Une autre époque mais belle époque!

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