Mon ami Dahmer

Mon ami Dahmer

Scénario :		Derf Backderf
Dessin :		Derf Backderf
Genre :		Documentaire
Année :		2013
Edition :		Ça et là
Nombre de tomes :		one shot
Statut :		Unitaire
Public :		Pour adulte

L'histoire
Derf Backderf a passé son enfance à Richfield, petite ville de l’Ohio située non loin de Cleveland. En 1972, il entre au collège, où il fait la connaissance de Jeffrey Dahmer, un enfant solitaire, déphasé, au comportement étrange. Les deux ados se lient d’amitié et font leur scolarité ensemble jusqu’à la fin du lycée. Jeffrey Dahmer deviendra par la suite l’un des pires serial killers de l’histoire des États-Unis. Son premier crime a lieu à l’été 1978, tout juste deux mois après la fin de leur année de terminale. Il sera suivi d’une série de seize meurtres commis entre 1987 et 1991. Arrêté en 1991, puis condamné à 957 ans de prison, Dahmer finira assassiné dans sa cellule en 1994.

À travers les yeux de l’un de ses camarades de classe, "Mon ami Dahmer" raconte une partie de la jeunesse de ce tueur, jeune homme délaissé par ses parents, qui vit dans un monde à part et qui amuse les autres ados de cette banlieue déshumanisée, typique de l’Amérique des années 1970. Submergé par ses pulsions morbides, fasciné par les animaux morts, mortifié par son attirance pour les hommes, Dahmer, personnage, parfois attachant mais souvent terrifiant, vit une implacable descente aux enfers, vers une folie irréversible.



Mon avis
On lit rarement un documentaire aussi prenant que "Mon ami Dahmer" qui frôle parfois avec le thriller. Ce qu'il y a de véritablement original avec cette oeuvre (certainement l'une des plus importantes de Derf Backderf), c'est que pour une fois, on ne cherche pas à entrer dans la tête d'un tueur en série, ni à s'attarder sur ses meurtres, mais plutôt de le rencontrer comme un individu lambda qui, même s'il se comporte de manière souvent étrange, n'est pas plus dérangé qu'une grande partie de la population. Sauf que l'auteur (et ici réside une partie de son talent) pose d'emblée une ironie dramatique qui transforme chacun des gestes du protagoniste en la prédiction d'un futur dont on connait l'issue fatale. Une importante question se pose (question qui sera posée plusieurs fois tout aux long de ces pages) : si à l'époque nous avions été présents, aurions-nous pu prévoir ce qu'il allait advenir ? Vraisemblablement pas. En revanche, si une seule personne avait décidé de porter un intérêt, à Dahmer, aussi minime soit-il, peut-être que ses névroses ne l'auraient pas conduit à l'irréparable. Peut-être... Et c'est aussi l'une des grandes souffrances qui a plongé Dahmer dans la folie, celle de ne pas être aimé des autres, ni détesté, de générer une indifférence absolue, teintée parfois de quelques vagues sourires bien vite effacés par l'égoïsme du groupe qui refoule les différents, les laids, les boiteux, les déformés.

Graphiquement, bien que classique dans l'univers du la bande-dessinée américaine "d'auteur", c'est trop beau, et colle tout à fait au sujet. Les pages de BD sont accompagnées, en début et en fin de livre, par des notes qui expliques comment l'auteur à mené son investigation. Car oui, il ne s'agit pas uniquement des souvenirs de l'auteur, mais bien d'une recherche minutieuse qui vise à recouper les témoignages de l'époque et l'univers dans lequel Dahmer a évolué, ce qui rend encore plus pertinent l'ouvrage. A noter que les dernières planches sont entrecoupées de textes qu'il convient de bien lire pour apprécier toute la profondeur et la complexité du sujet.

"Mon ami Dahmer" est évidemment à découvrir, car loin des Hannibal Lecter et autres tueurs en série, Dahmer a de ceci de monstrueux qu'il est un véritable être humain, un pur rejeton de ce que fabrique nos sociétés, avec une famille, une adolescence, des névroses, des peurs, des peines, avec malheureusement juste suffisamment d'instabilité et de solitude pour basculer dans la folie.