La mémoire dans les poches

La mémoire dans les poches

Scénario :		Luc Brunschwig
Dessin :		Etienne Le Roux
Genre :		Chronique sociale
Année :		de 2006 à 2017
Edition :		Futuropolis
Nombre de tomes :		3
Statut :		Série terminée
Public :		Tout public

L'histoire
Sidoine et Rosalie Letignal et leur fils Laurent forment ce trio « ordinaire ». Des gens comme tant d'autres, se débattant au quotidien dans une société à laquelle ils essayent d'apporter un peu d'humanité, un peu de leur chaleur, modestement. Or, c'est précisément aux limites et aux contradictions de leur humanité qu'ils vont tous les trois se retrouver confrontés. Absolument rien ni personne ne pourra empêcher l'implosion totale de leur cellule familiale que tout le monde s'imaginait pourtant « indestructible ».



Mon avis
Luc Brunschwig aura mis onze années pour venir à bout de "La mémoire dans les poches", cette histoire s'inspirant largement de sa vie personnelle, et notamment de ses relations avec ses parents. Au départ, s'il devait écrire une histoire légère et comique, nous voici avec une histoire bien plus complexe que prévu et surtout beaucoup plus sombre, même si celle-ci reste ponctuée de moments tendres, sans jamais tomber dans la guimauve. Si l'écriture des deux premiers tomes s'est plutôt déroulée de manière fluide, celle du tome 3 s'est révélée bien plus compliquée, à tel point qu'il n'a failli jamais sortir et l'auteur arrêter la bande-dessinée. En effet, ce dernier tome l'a confronté à la perte de son propre père dont il croyait en avoir fait le deuil et dont il a découvert qui il était réellement en construisant ce scénario. Ainsi, ce dernier livre est emprunt d'un "au revoir" profond et sincère qui convient de lire en prenant son temps pour en apprécier chaque mot, chaque "silence". L'image que nous avons de nos parents, tels que nous les connaissons, est très souvent le reflet de ce qu'ils veulent bien nous montrer ou du nouvel individu qu'ils sont désormais. Il y a un avant la naissance de l'enfant, et un après qui marque une rupture, deux vies complètement dissociées. Qui étaient-ils enfants ? Adolescents ? Jeunes adultes ? Ajoutez à cela les secrets, les non-dits, les tabous, et vous obtenez une réalité complètement différente de celle que l'on nous propose à appréhender pour nous construire en tant qu'individu adulte (avec toutes les névroses qui le structurent).

Comme dans tous les scénarios de Luc Brunschwig, l'histoire n'est pas racontée de manière linéaire, et jusqu'aux dernières planches, le lecteur continue de réunir les pièces d'un puzzle qui, à son grand plaisir, s'emboitent parfaitement ; l'auteur excellant dans cet exercice qui est, pour un ainsi dire, devenu l'une de ses caractéristiques narratives. Seul inconvénient, il convient de lire d'affilé tous les tomes pour ne pas perdre les éléments capitaux qui permettent de comprendre parfaitement les évènements ; une relecture pouvant s'avérer nécessaire, sans que cela soit ennuyant puisque cette seconde vision permet de découvrir de nouveaux éléments et de faire coulisser les différentes histoires qui s’entremêlent, que l'auteur aura su huiler avec talent. A noter que la fin peu paraitre abrupte.

Graphiquement, c'est plutôt beau, et l'on constate une progression très intéressante du premier au dernier tome même si, au final, ce sera la proposition graphique du second qui m'aura le plus charmé. La mise en couleur colle parfaitement aux émotions des personnages et teinte de nostalgie cette histoire qui commence durant la seconde guerre et qui s'achève aujourd'hui, avec une douceur touchante.

Brunschwig et Le Roux nous livrent ici une oeuvre sincère et sensible qu'il convient de lire, un dimanche après-midi, lorsque le soleil réchauffe l'été, et que la lourdeur de l'air nous donne le temps d'entrer lentement dans cette histoire familiale qui semble faire écho à beaucoup d'entre nous.