Algériennes 1954-1962

Algériennes 1954-1962

Scénario :		Swann Meralli
Dessin :		Deloupy
Genre :		Documentaire, historique, drame
Année :		2018
Edition :		Marabulles
Nombre de tomes :		one shot
Statut :		Unitaire
Public :		Tout public, avec réserves

L'histoire
Béatrice découvre qu'elle est une "enfant d'appelé" et comprend qu'elle a hérité d'un tabou inconsciemment enfoui : elle interroge sa mère et son père, ancien soldat français en Algérie, brisant un silence de cinquante ans. Elle se met alors en quête de ce passé au travers d’histoires de femmes pendant la guerre d'Algérie : Moudjahidates résistantes, Algériennes victimes d'attentat, Françaises pieds noirs ou à la métropole... Ces histoires, toutes issues de témoignages avérés, s'entrecroisent et se répondent pour raconter la guerre d'Algérie, cette guerre qui n'était pas nommée comme telle, une guerre des femmes dans la grande guerre des hommes...



Mon avis
"Algériennes 1954-1962" (Algériennes avec un "S"), raconte l'histoire de Djamila, Malika, Saïda, etc. qui, sans se connaitre, ont toutes vécu une guerre, pour le moins tabou, où seuls les témoignages des hommes sont partagés aujourd'hui. Et pourtant, leur participation a été tout aussi importante. Cette oeuvre aurait pu être réalisée par des femmes, et pourtant il s'agit de deux hommes, Swan Meralli et Serge Prud'homme (appelé Deloupy) qui, toute en finesse, racontent ces vies à jamais meurtries par cette guerre qui a durablement troublé l'histoire française et l'histoire algérienne de surcroit. Car avec cette guerre, rien n'est clair, tout est honteux, tout est caché. Cacher les monstruosités, la lâcheté des deux camps, surtout ne pas retourner, quitte à réécrire l'histoire pour qu'en aucun cas se risquer à lever le voile sur tous les crimes commis. Comme toutes les guerres finalement. Durant ce conflit, l'histoire des femmes a simplement été effacée. Au premier rang comme les hommes, elles n'ont jamais été reconnues, comme si elles n'y avaient jamais participé.

Ici le point de vue des auteurs demeure singulier. En effet, ceux-ci n'abordent finalement que très peu les aspects politiques, se concentrant plutôt sur ces existences de femmes qui ont vécu le conflit par leur prisme personnel, et qui aujourd'hui vivent encore avec, sans jamais réussir à s'en défaire. Pour ce faire, les auteurs ont réellement collecté plusieurs témoignages de femmes et reconstruit une histoire, elle fictive, pour partager ces vies. Le résultat donne une investigation prenante, qui ne tombe jamais dans le voyeurisme ou la facilité, tout en mesure.

Les graphismes, plutôt réalistes, collent à l'ambiance et demeurent au service de cette intention simple : donner l'entière parole à ces femmes, leur donner le temps de tout raconter, de les comprendre et (d'un peu) les connaitre. On aurait aimé plus long, car il y a tellement à en dire, tellement à réfléchir. "Algériennes 1954-1962" reste une première entrée en matière dans la guerre d'Algérie qui n'a pas fini de révéler son histoire ; les auteurs ayant eu la bonne idée d'inclure, en fin de livre, une petite bibliographie (à consulter) qui semble très intéressante.