Amer Béton


Amer Béton
titre original : Tekkon kinkurito


Scénario :   Taiyo Matsumoto
Dessin : Taiyo Matsumoto
Genre : Drame, policier, onirique
Année : 1996
Edition :      Tonkam
Nombre de tomes : 3
Statut : Série terminée
Public : Pour adulte


Amer béton tome 1 Amer béton tome 2 Amer béton tome 3

L'histoire
Deux gamins, deux petits chats comme on les appelle à Takara, volent au-dessus de la ville. Blanko et Noiro, dix ans, abandonnés à leur sort, règnent sans partage sur une cité perdue dans ses errements. Blanko sait compter jusqu'à dix, Blanko invente des chansons, Blanko espère de meilleurs lendemains, Blanko est perdu sans Noiro. Noiro pense beaucoup, Noiro sait beaucoup de choses, Noiro décide, Noiro veille sur Blanko, Noiro est perdu sans Blanko. Le coeur et l'esprit s'unissent contre les yakuzas, contre les policiers, contre les ennemis. Mais qui sont les ennemis ? Que devient la société ? Les deux chats la subissent, d'autres tentent de réagir, chacun à leur manière.

Amer béton extrait 01

Mon avis
Le mangaka Taiyo Matsumoto semble nous offrir sa plus grande oeuvre, car ici il pourrait être question de chef d'oeuvre à la condition de parvenir à entrer dans l'histoire, car celle-ci ne se laisse pas faire ; l'auteur décidant de ne pas prendre le lecteur par la main, le laissant entrer par où il le souhaite. Pour celui qui accepte la règle du jeu, il se verra très vite récompensé car "Amer Béton" est une oeuvre d'une force rare, onirique, qui frôle même avec le mysticisme. Tout un programme donc !

Tout le récit d'"Amer Béton" est écrit dans une dualité permanente, chaque personnage ayant son "antonyme", les personnages contraires ayant eux-mêmes leurs propres "contraires", tout en étant complémentaire du premier personnage, etc. Les concepts philosophiques du Yin et du Yang demeurent constamment évoqués sous diverses allégories, l'auteur cherchant toujours à équilibrer puis déséquilibrer ces deux forces tout au long des 600 pages de l'histoire. Mais au-delà cette première vision mystique, l'auteur pose les questions universelles de l'intérêt de la vie, des liens qui unissent toutes choses, et notamment celui qu'entretien chaque personnage avec Takara, une ville ultra-violente, tordue au sens propre du terme, où clignote sans arrêt les milliers de panneaux lumineux publicitaires, où seuls ceux qui n'ont pas conscience de leur condition vivent. Les autres survivent. Dans cette ville, elle-même constamment dans un équilibre fragile, toujours prête à basculer, on y retrouve une galerie de personnage ambivalent qui, s'y ne se sont pas suicidés ou n'ont pas été assassinés, évoluent sans autre but que de rester accrocher à cette cité : Chocolat, petit truand maquillé ; Sawada le flic frigide qui ne demande qu'une seule chose, tirer avec son gros flingue ; le Rat, yakuza usé mais craint et respecté ; le grand-père, mi-sage mi-idiot ; et évidemment Noiro, à la cicatrice sous à l'oeil droit, et Blanko, au grain de beauté sous le même oeil, les deux héros antinomiques (une nouvelle fois !) perdus dans cette sombre histoire.

Graphiquement, là aussi l'auteur ne simplifie pas l'approche. D'un noir et blanc abrupte, les dessins semblent, dans un premier temps, naïfs, voire laids. Car oui, ils sont laids, laids comme la vie des personnages de Takara, laids comme leur ville. Les perspectives ne sont pas respectées, les immeubles sont tordus et s'entortillent dans tous les sens, les rues ne vont nulle part, les toits sont constamment déformés, les personnages, à l'image de la ville, restent eux aussi torturés. De plus, tout est dessiné au premier plan, aucune perspective, donnant ainsi un effet d'écrasement des actions et des héros lorsqu'ils combattent ou quand ils sautent de toit en toit. Le lecteur se sent du coup, comme les personnages, constamment oppressé, écrasé par cette ville où il est difficile d'y entrer. Mais une fois aspiré, quasi impossible d'en sortir.

"Amer Béton" ne donne aucune morale (ses héros frappent, tuent, torturent), mais pose la réflexion sur ce qui peut attirer les opposés et comment du déséquilibre peut naitre la vie. Une existence qui ne pardonne rien à celui qui ne se donne pas justement les moyens de vivre. Cette oeuvre révèle aussi que l'idiot n'est pas toujours celui qu'on croit, et que les réponses, mais aussi les questions, ne sont valables que par rapport au prisme par lesquelles elles sont données.

1 commentaire:

  1. MANGA démentiel.une vraie claque quand je l'ai lu à l'époque. à la vue de ton article il ne semble pas avoir trop vieilli il donne envie de relire.par contre, très difficile de retrouver les tomes.ils ne sont plus édités?

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